Après Lorraine, Louise et Thibault, c'est à Pierre que Cécile a lancé le défi de se coudre un pantalon pour occuper son temps de confinement. Loin d'être un débutant il a toutefois appris plein de choses. Récit.
On est au 20ème jour de confinement, j’ai déjà tondu deux fois la pelouse, trié les livres de la bibliothèque et rangé le garage. Bref, je sens que le temps va être long.
C‘est alors que Cécile m’appelle, elle a un défi pour moi.
Elle me demande si je me sens de m’attaquer à la réalisation du chino «le culotté» des Beaux Gosses. Tout ça sonne bien et, évidemment je suis partant. Je reçois deux jours plus tard un colis. Tout est là. La patron recopié avec soin par Cécile.
La toile de jean que j’adore au premier toucher car elle est sobre et en même temps un peu stretch. La doublure coton, comble du détail, qui servira à mes intérieurs de poches. Et un zip pour la braguette.
Pour ce qui est de la machine, ma mère a justement commandé une petite Brother à Cécile et Thierry que nous avons reçue une semaine plus tôt. Il faut dire que depuis le début du confinement, c’est à peu près le quatrième colis que nous recevons en provenance de la Maison de la couture.
Pour ce qui est des instructions, les Beaux Gosses ont mis en ligne des vidéos vraiment bien faites pour chacun de leur patron. Mais qui sont ces Beaux Gosses?
C‘est David et Olivier, deux cinquantenaires qui après avoir fait le constat qu’il était difficile de trouver des patrons pour homme ont décidé de se lancer dans l’aventure et de concevoir une collection de patrons exclusivement masculins.
Je commence par découper mes pièces J’ai l’habitude de coudre depuis un moment. J’ai d’ailleurs déjà un article à mon palmarès dans le blog de la Maison de la Couture. Oui, mais voilà, je suis plutôt du style à coudre au feeling, à préférer tâtonner plutôt que de prendre un patron et surtout à passer plus de temps à découdre que coudre.
Alors c’est vrai que lorsque la vidéo commence et me parle de droit fil, je suis déja perdu. Après avoir questionné mon entourage, j’apprends donc que le tissu a un sens et qu’il en résulte un coté plus stretch que l’autre. J’ai déjà l’impression d’avoir passé un cap et je passe le reste de la soirée à chercher le droit fil de tous les tissus qui m’entourent.
Étant de nature économe, je passe la soirée suivante à disposer mes patrons en papier sur le tissu pour utiliser le moins de matière possible. C’est assez frustrant car il me manque toujours un ou deux centimètres pour arriver à la disposition parfaite. Il faut dire que le droit fil ne m’aide pas et m’empêche de couper à ma guise.
Après avoir testé tous les possibles, j’opte pour la disposition qui me semble la meilleure. Il est trop tard pour continuer mais je ne suis pas mécontent de m’être sorti de ce Tétris.
Je retarde le moment fatidique de la découpe. Je revois plusieurs fois la vidéo pour être sûr de ne pas avoir fait d’erreur. Et puis je me lance. Si il m’a fallu un bon moment pour donner le premier coup de ciseau, il ne me faut que quelques minutes pour tout découper. Je ne peux pas m’empêcher de commencer à coudre.
La première étape est la réalisation des poches passepoilées. J’adore ce petit nom. Je suis minutieusement le tuto en ne comprenant absolument pas ou est-ce que cela me mène. Ce n’est qu’au moment de retourner ma poche que tout s’éclaire.
C’est nickel, en tout cas de l’extérieur. L’intérieur est un peu en chantier. Mon jean s’appellera docteur Jekill et Mr Hyde. Je passe le reste de la soirée à rêver devant des vidéos de surjeteuse. Pour moi ce sera du point zigzag à gogo.
J’avance bien. À peine ai-je fini de coudre la première jambe que je l’enfile aussitôt. J’ai du mal à passer le pied, puis le mollet, puis la cuisse. Bref, je sens que ce n’est pas la bonne taille. Effectivement, on est plus sur un legging que sur un jean et j’ai l’impression de sortir d’un cours d’équitation. Cela me rappelle d’ailleurs la mode des jeans « slim » au lycée. Ça me fait penser qu’à cette époque, j’étais une des seules personnes à utiliser une machine à coudre et j’avais mis en place un business qui consistait à transformer tous les pantalons de mes copains en jean slim.
Revenons à notre Chino. En dernier recours, j’appelle la hotline «SOS couture» et tombe sur Cécile. Le diagnostic est rapide et efficace, il me faut rajouter une bande de 5 cm à chaque jambe. Je renoue d’amitié avec le découvit et passe un bon moment à défaire mes coutures.
Mes bandes sont rajoutées. Je butte un peu sur la braguette, j’appelle à nouveau la centrale grenobloise qui me remet sur le droit chemin. Puis je monte le bandeau de la ceinture. La petite Brother me fait un peu de peine sur les passants de ceinture. Et il y a de quoi. D’après mes calculs il y a huit épaisseurs de jean à coudre.
On en arrive à mon moment préféré, celui de la boutonnière. La Brother est vendue avec un pied spécial dans lequel on place le bouton choisi et la machine se charge de faire la boutonnière à la bonne taille. Après être tombé sous le charme de l’enfile aiguille, du coupe-fil automatique, c’est là mon troisième coup de coeur. Je me régale de voir la machine se débrouiller toute seule. J’aime particulièrement aussi le moment du choix de bouton. Pour ma part, ça finit toujours par quelque-chose de sobre et discret mais j’aime quand même bien essayer les exemplaires les plus loufoques de la boîte à boutons de ma mère.
Ce Chino, je l’adore. Malheureusement, notre amour est impossible car je sens qu’il est un peu juste pour moi. Je l’enfile quand même le temps de la photo et on pose fièrement tous les deux. J’ai déjà en tête la personne à qui il ira parfaitement.
Ce n’est pas facile de se séparer d’un vêtement qu’on vient de coudre mais c’est mieux pour lui. Je préfère le voir porté plutôt qu’à dormir dans une penderie. Et qui sait ? Peut-être vais-je rencontrer une personne qui aurait cousu un chino trop grand pour lui ?
Pour ceux qui voudraient se lancer dans l’aventure du culotté, sachez que le taillant est bon mais que c’est une coupe ajustée.
N’hésitez pas à prendre des libertés par rapport au patron si vous avez comme moi de beaux jambonneaux à la place des cuisses ou bien si vous voulez simplement une coupe un peu plus lâche.
Pierre Bouvier