Après avoir travaillé 20 ans dans la mode enfantine, Stéphanie Godefroy a eu envie d’un nouveau défi. Créer sa propre entreprise, revenir au design de mode sans la pression des prix et surtout accompagner toutes celles qui fuient la surconsommation pour se réapproprier la réalisation de vêtements pour leurs enfants ou petits-enfants. Rencontre.
Bonjour Stéphanie, racontez-nous brièvement votre parcours autour de la mode...
Après des études en école de commerce, j’ai travaillé un peu dans la mode femme, mais très vite, après mon deuxième enfant, je suis passée à la mode enfantine. Chef de produit, acheteuse puis directrice de collection, pendant 20 ans j’ai été salariée de marques enseignes*.
Quel a été le déclic pour créer votre propre marque de patrons de couture pour bébés et enfants ?
J’ai travaillé pour trois grosses marques et, à une époque, j’ai constaté que le monde de la mode était devenu assez difficile. Il y avait beaucoup de choses très similaires dans de très gros volumes et beaucoup de contraintes de prix. J’en ai eu ras le bol d’un système un peu formaté et standardisé de la mode avec cette pression des prix liée à la surconsommation.
Vous aviez l’impression de perdre le sens de votre travail ?
J’ai eu envie de revenir à mon cœur de métier qui est la pure création. Je ne souhaitais plus être uniquement dans le travail de collection, du suivi des ventes permanent. Je voulais faire du design et de la pédagogie sur le montage d’un vêtement. Proposer aux gens un produit pour leur permettre de devenir acteur de leur garde-robe. Être dans une démarche de création pure et permettre aux femmes qui aiment coudre de ne pas acheter des produits standardisés en leur communiquant mon expertise dans la mode enfantine.
Vous aviez aussi l’envie de créer votre propre entreprise ?
Oui, il y avait aussi une démarche entrepreneuriale au service de la création et de la pédagogie. J’ai créé Ikatee en avril 2016. Je voulais aussi avoir un autre mode de vie. Parce qu’un projet entrepreneurial demande de travailler beaucoup mais pour soi.
Ça a tout de suite bien marché ?
Les six premiers mois c’était de la vraie construction pour avoir tout de suite un catalogue un peu imposant. J’ai dessiné 30 modèles pour proposer une offre large. C’est mon histoire de directrice de collection qui veut ça. Dès le départ j’ai dessiné une trentaine de patrons de couture pour fille, garçon et bébé. Ces premiers modèles créés, il a fallu entrer dans une démarche de prospection pour les faire connaître auprès des couturières.
J’ai l’impression que l’on a tout de suite entendu parler de vos patrons de couture...
Le salon Création & Savoir-Faire (CSF) qui a lieu début novembre à Paris m’a donné une belle visibilité six mois après la création de mon entreprise. Cela m’a vraiment permis de donner vie à mes produits, à la marque, mais aussi de créer un réseau de clientes et de professionnels acteurs du « do it yourself » (DIY). Très vite quelques produits phare se sont dégagés et ça m’a beaucoup aidé.
La marque Ikatee a aussi reçu un bel accueil sur les blogs et les réseaux sociaux...
J’ai fait appel à ma belle-sœur, Hélène qui tient le blog French Mômes. Elle s’est occupée du réseau avec moi. J’avais besoin d’aide sur le sujet, car je n’en connaissais pas les ficelles et je manquais de temps alors que je savais que c’était clé.
En tout cas, c’est allé très vite...
En même temps, il y a deux ans et demi on était en plein boom des marques de patrons de couture : Aime comme Marie, République du chiffon ou Make my lemonade. En dehors de Citronille il y avait très peu de monde sur les patrons de couture pour enfants et bébés. On est peu de petits acteurs sur ce secteur. Il y a aussi le fait que la couture redevient un loisir à la mode.
C’est un phénomène que l’on observe depuis quelques années...
Quand j’étais jeune, personne ne cousait. Et la couture est revenue par les jeunes. Beaucoup de jeunes femmes se sont mises à coudre et à tricoter : jeunes mamans et grand-mères qui cousent pour leurs petits-enfants. Ce sont mes clientes...
Qu’est-ce qui vous motive dans la création d’un nouveau patron ?
Très souvent ce sont mes idées car je connais assez bien le marché de l’enfant. Je connais les besoins et ce qui marche le mieux en termes de vêtements. Il y a d’abord mon inspiration. Mais si plusieurs clientes me font part d’une idée ou d’un manque dans la collection et que ça revient souvent, je peux en tenir compte. Un petit col ou une matière. Parfois ça devient autre chose que ce que j’avais imaginé. Et je regarde aussi ce qui marche ou ne marche pas.
Vous avez plus de modèles pour filles que pour garçons...
Passé un certain âge très vite atteint, les garçons ne sont pas particulièrement intéressés d’avoir ce que maman a cousu pour eux. Je propose des vêtements plutôt simples et basiques. Par contre pour le bébé il y a un vrai atout, on a envie de se faire plaisir.
Pour l’enfant il faut globalement que ça aille assez vite. Il faut être simple et confortable, facile à enfiler, pratique, rapide. Ce sont les maîtres mots en mode enfantine.
Vos patrons de couture ont aussi la réputation d’être particulièrement bien expliqués...
Dans mon précédent métier quand je travaillais avec les usines j’avais l’habitude de faire une bonne fiche technique. C’est du management visuel pour les fournisseurs. C’est important pour moi d’être dans la pédagogie.
Quelles vont être les prochaines sorties ?
Je vais proposer des modèles qui ont très bien marché que l’on m’a demandé dans d’autres tailles. Particulièrement des produits en maille, jerseys, sweats, pour l’enfant à partir de modèles bébés. Et aussi quelques modèles plus techniques pour les filles. Sachant que systématiquement même ces patrons-là proposent des versions simples. On me demande pas mal de patrons identiques pour maman et fille, mais je ne veux pas le faire, je ne suis pas spécialisée en femmes, ça restera épisodique.
Comment vous voyez-vous évoluer d’ici les trois prochaines années ?
Là j’embauche ma première collaboratrice. J’ai envie d’avoir plus de modèles, un catalogue étendu avec beaucoup de vidéos de montage accompagnant mes tutoriels et une offre de tissus exclusifs que je fais développer dans la région lyonnaise. Je veux aussi développer Ikatee à l’international tout en restant très spécialisée sur l’enfant. Déjà en France, mon réseau de magasins qui revendent mes patrons de couture m’aide beaucoup. Car au début mes patrons existaient seulement en version PDF à télécharger. Aujourd’hui, les patrons sont disponibles en version papier.
Dernière question : quel est votre modèle préféré et quel est le modèle chouchou de vos clientes ?
Moi, c’est la robe Sakura avec ses manches kimono. Elle est à la fois pratique et originale. Et le patron coup de cœur de mes clientes, c’est « Grande ourse » la petite veste à oreille. Mes collaborations marchent aussi très bien.
Crédit photos : Ikatee©
*Une marque enseigne, est une marque que l’on trouve uniquement dans des magasins à son nom. On pourra citer quelques exemples tels que Cyrillus, Du Pareil au Même, Jacadi, etc.
Pour trouver Ikatee
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Sur Youtube pour les tutos en vidéo
Et bien sûr à la maison de la couture pour les patrons Ikatee en version papier :-)